Ellayne
Raconteuse d'histoires et autrice indépendante

NaNoWriMo, retour d’expérience sur ce challenge d’écriture mondial

Depuis 2015, je participe plus ou moins régulièrement à ce challenge d’écriture un peu fou qu’est le NaNoWriMo.

“Na No Wri Mo”.
Qu’est-ce qui se cache derrière ces drôles d’onomatopées ?

Le NaNoWriMo, qu’est-ce que c’est ?

Na No Wri Mo, pour National Novel Writing Month, autrement dit le mois national de l’écriture de roman. Mais encore me direz-vous ?
Le NaNoWriMo est un challenge lancé depuis plus de 10 ans par des auteurs américains.

L’objectif du NaNoWriMo est simple : écrire un roman de 50 000 mots en 30 jours.

Participant au NaNoWriMo 2015

Simple je vous disais.

Le constat de ces auteurs était qu’écrire un roman est un processus long, pénible, souvent une activité solitaire, que la plupart des auteurs laisse tomber en cours de route par manque de convictions et de motivation.
Beaucoup d’apprentis-auteurs fourmillent d’idées mais très peu réussissent à écrire et boucler un roman dans leur vie.

“Na No Wri Mo”, ce drôle de challenge m’intriguait.
Depuis quelques années, je le voyais mentionné régulièrement aux alentours du mois de novembre sur les réseaux sociaux. Jusque là, je le considérais comme un défi pour des gens un peu fous dont je n’imaginais même pas faire un jour partie.

Pourquoi j’ai participé au Nanowrimo ?

Hasard du calendrier, en 2015, j’ai commencé à lire peu de temps avant un livre conseillé par Marie de la Lune Mauve, « Libérez votre créativité » de Julia Cameron. Dans ce petit précis, l’auteure évoque le Censeur, ce critique intérieur que l’on a tous au fond de nous et qui juge tout ce que l’on entreprend.

Se libérer du jugement

Dans son livre « Ecrivez un roman en 30 jours », Chris Batty, le créateur du challenge, fait lui aussi notion de ce même égo, à la fois juge et destructeur d’idées qui nous bloque bien souvent dès que l’on se lance dans un nouveau projet créatif.

Un peu comme Julia Cameron de « Libérez votre créativité », Chris Batty préconise pendant ce mois d’écriture, de mettre l’égo, le juge, le Censeur de côté et de laisser parler son enfant créatif.

NaNoWriMo : écrire un roman en 30 jours

Ces réflexions m’ont marqué parce que je m’y retrouvais complètement.
J’ai souvent cette petite voix perfide qui chuchote « tu crois sérieusement que ça sert à quelque chose ? », « tu penses vraiment que ça va intéresser des gens, laisse tomber ». Il y avait cette partie en moi qui m’empêchait de me lancer sereinement dans de nouveaux projets.
Et je trouvais ça un peu triste et frustrant, mais ça se travaille…

Renouer avec sa créativité

D’autant que je m’en rappelle, j’ai toujours écrit, mais j’ai fait une grosse pause de plusieurs années à la fin de mes études. Parfois je retombais sur d’anciens écrits et je me surprenais à penser que la qualité était pourtant plutôt bonne. Je me suis demandée ce qui avait pu arrivé à mon enfant créatif et surtout pourquoi j’avais arrêté…

A l’époque, j’écrivais principalement des carnets de voyages sur un blog dédié, mais le temps où je créé des histoires et de la fiction, ces moments où je faisais travailler mon imaginaire me paraissent bien loin.

En 2015, j’avais déjà repris les rênes de la créativité en participant à des challenges de dessins où l’objectif était de produire un dessin par jour en suivant une liste de thèmes. J’adore créer sous la contrainte, et mon enfant créatif s’était régalé !

Participer au challenge NaNoWriMo, c’était l’occasion de me dérouiller, de me forcer à écrire, un peu comme on remet le pied à l’étrier, ou quand on se remet à faire du vélo. Ça ne s’oublie pas, c’est bien connu.

Mettre son ego au placard

L’un des buts du Nano, c’est donc de mettre au placard son égo.
Le but du challenge n’est pas de produire sa plus belle prose, c’est dans un premier temps de fournir un premier jet de roman.
L’idée c’est d’accorder de l’importance à la quantité plutôt qu’à la qualité pendant ce mois de novembre.
Je le découvrirai assez vite, écrire 50 000 mots en 30 jours ne laisse pas vraiment le temps ni le luxe de réfléchir infiniment sur la tournure de ses phrases.

Créer sans se censurer

Avoir une deadline et des contraintes d’écriture est quelque chose qui peut paraître assez contraignant.
C’est assez terrible au début de se relire et de voir les énormités qu’on écrit sous la pression. Puis on apprend qu’il ne faut pas se relire, il faut juste écrire, écrire, écrire. Quitte à écrire des nullités, des idées qu’on trouverait stupides et absurdes. Mais rappelons-nous que notre égo est au placard, et que pour l’instant, il ne peut rien dire.

L’idée est d’écrire sans se censurer. L’histoire peut aller n’importe où, on peut se retrouver à développer une idée à laquelle on aurait pas accorder autant d’importance, les personnages peuvent n’en faire qu’à leur tête, un personnage secondaire peut devenir un peu trop présent, ou un personnage récalcitrant peut se faire zigouiller du jour au lendemain… il n’y a pas de mauvaises idées, il faut juste produire de la matière… ce fameux Graal, ces fameux 50 000 mots.

Se fixer des objectifs

En réalité, chacun peut se poser ses propres objectifs, les 50 000 mots n’ont rien d’obligatoire. C’est avant tout un challenge personnel, donc chacun signe un contrat personnel et gère son mois d’écriture comme il le veut et le peut. Il n’y a pas de gagnant ou de perdant, juste le plaisir et la réussite d’avoir écrit régulièrement, d’avoir produit quelque chose…

A la fin du challenge, libre à chacun de relire ou pas son œuvre, d’en faire quelque chose ou de la brûler, mais c’est seulement à ce moment-là que commence le gros travail de relecture, d’élagage et de corrections. A ce moment-là seulement, notre petit égo créatif peut revenir juger de la pertinence ou non d’une idée.

Le Nano n’engage personne, si ce n’est soi. Aucune obligation de faire lire son œuvre à quiconque, pas même obligé de relire ce que l’on a dégobillé pendant le mois de novembre. Le challenge peut être un simple exercice d’écriture.

Comment j’ai vécu mon premier NaNoWriMo ?

Pour mon premier Nanowrimo en 2015, je ne voulais pas partir sur une feuille blanche en improvisant. Je voulais avoir un fil rouge, un filet de sécurité anti-page blanche, avant de me lancer.

De l’art de préparer l’histoire

J’ai donc passé une partie du mois d’octobre à construire mes personnages et à tisser grossièrement une intrigue.

Et ce sont d’abord mes personnages qui m’ont motivé à écrire l’histoire. J’avais envie de mettre en scène deux personnages assez différents, aux caractères opposés, avec des parcours différents, unis malgré eux par un but commun.

Très vite en me lançant ce défi, j’ai décidé d’évoquer des sujets et des messages qui me tiennent à cœur : l’exclusion sociale dans une grande ville et le rejet à cause d’une orientation sexuelle.

Dans mon histoire, on rencontre donc Ethan, paumé parce ce qu’il sent différent des autres, et Ellie, une jeune femme SDF qui survit comme elle peut dans les rues de Lyon.

C’était mon point de départ, j’ai passé du temps à les construire, à remplir des fiches de personnages, cerner leur psychologique, leurs envies, leurs motivations.

Il fallait ensuite que je leur fasse faire quelque chose et ça a été le plus compliqué.

J’avais également mon cadre et point de départ : une histoire de fantasy urbaine, une ville où des ombres rodent la nuit et où un mystérieux croque-mitaine enlèvent des jeunes sans abris…
Ensuite c’était le flou artistique.

J’avais en tête certaines scènes avec des ambiances particulières, des endroits clés, des personnages secondaires dont je voulais parler…

Des personnages, un univers… il n’y avait plus qu’à tisser une histoire autour de tout ça.

Je me suis donc lancée le premier novembre en ayant une esquisse d’intrigue, mes deux personnages principaux et un léger fil rouge.

La force du NaNoWriMo : sa communauté

L’une des particularités de ce challenge un peu fou, c’est qu’il est mondial. Au premier novembre à minuit, c’est donc à travers le monde que les gens ont commencé à taper frénétiquement sur leur clavier.
Il y a donc un aspect communautaire assez intéressant qui n’a pourtant rien d’obligatoire.
De mon côté, j’ai mis de côté ma cape d’asociale, et j’ai profité d’habiter une grande ville pour aller à la rencontre de ces étranges énergumènes.

Nuit blanche de l'écriture à Lyon, à la Cordée Opéra
Nuit blanche de l’écriture à Lyon, à la Cordée Opéra

J’ai donc participé à la soirée d’ouverture, une nuit blanche dès le 1er novembre, et même si j’ai zappé la plupart des ateliers d’écriture organisés par la suite, l’engouement, le support et l’échange, que ce soit sur le forum ou sur Twitter, ont été une force incroyable durant ce mois de novembre.

Que ce soit en vrai ou virtuellement j’ai rencontré tout un tas de gens formidables, gonflés de beaux projets, d’idées folles et de belles inspirations. Et dans les moments où on sombre dans le doute et la déprime, cette communauté-là sait être un incroyable soutien !

#NaNoWrimo, au jour le jour

Très concrètement, l’objectif du Nanowrimo (du moins si on veut être réguliers) est d’écrire 1667 mots par jour (environ 3 pages Word) et nous avons des outils à disposition pour suivre notre évolution.

1ère semaine : je suis le roi du monde !

La première semaine, autant vous dire qu’on se sent un peu comme les rois du monde. Nos personnages prennent vie, les bases de notre univers sont posés, tout est possible… On ressent la puissance créatrice face à son histoire comme jamais et les doigts pianotent et virevoltent sur le clavier.

2ème semaine : une escapade à Istanbul…

La deuxième semaine, je suis partie cinq jours à Istanbul. Cinq jours à visiter la ville et à profiter du voyage, donc quasiment cinq jours sans écrire.
A mon retour, mon total de mots était désespéramment bas.
A ce moment-là, pour moi il était impossible de rattraper mon retard et je me demandais dans quel pétrin je m’étais lancé.
Cinq jours de retard : plus de 8000 mots à rattraper, environ 15 pages…

3ème semaine : adapter le challenge à la réalité

Mais j’ai continué en me donnant un challenge personnel : arriver à 30 000 mots et finir mon histoire.
J’ai profité de chaque moment de libre de mes journées matins et soirées pour mettre des coups de boost et j’ai franchi les 30 000 mots, assez satisfaite de moi.

Mon histoire en revanche était loin d’être bouclée, je commençais à peine à entrer dans le vif du sujet !

Les événements du 13 novembre 2015 ont aussi joué dans le processus de l’écriture. Autant je n’ai pas été bloqué dans l’écriture le weekend même du carnage mais la semaine qui a suivi, j’ai eu le contrecoup, avec une grosse difficulté à renouveler mon énergie et à retrouver l’envie d’écrire. L’envie et l’énergie filaient de toute part et créer quoique ce soit n’avait plus de sens.

Et puis, il a fallu s’y remettre, parce que la vie continue et surtout parce qu’on ne pouvait rien y faire, à part détourner le regard des médias et des réseaux sociaux qui abreuvaient sans répit le climat morose et anxiogène.

Étrangement et sans vraiment m’en rendre compte, mon intrigue s’en est retrouvée impactée. Elle qui ne devait absolument pas nourrir de romance, a vu deux de mes personnages se rapprocher et vivre le début d’une jolie histoire. Ce personnage secondaire qui devait mourir à la fin est toujours vivant, je n’ai pas eu la force de lui écrire un fin tragique. Comme si j’avais eu besoin d’insuffler à l’histoire un peu d’amour et d’espérance qui manque dans le monde réel.

4ème semaine : l’impossible devient possible !

Pour être honnête, la dernière semaine a été la plus difficile.
La fatigue morale et physique ont commencé à se faire sentir, le manque de sommeil aussi, j’étais bien contente à ce moment-là que ce challenge ne dure qu’un mois !

J’ai finalement dépassé les 40 000 mots. Ce stade atteint, à une semaine de la fin du challenge, les 50 000 mots me semblaient possibles et je ne pouvais pas ne pas les tenter.

J’imagine que la gestion du temps pendant le NaNoWriMo et de ses plages d’écriture dépend énormément de l’activité et de la disponibilité de chacun. Personnellement en travaillant à temps plein à l’époque, je voulais essayer d’écrire une petite heure le matin et plusieurs heures le soir si besoin.
Ça c’était la théorie.

En pratique, je me suis rendue compte que j’étais très irrégulière et que Procrastination aimait bien rester dans les parages. J’ai alterné des journées où la motivation n’était pas au rendez-vous et où la page restait blanche et les soirées qui se terminaient (très) tardivement et où j’explosais mon quota journalier. Sans compter les weekends en mode “coupez-moi le wi-fi, je me déconnecte de tout, il FAUT que j’écrive !!!”.

Pendant tout le mois du Nanowrimo, j’ai conservé une vie sociale plus ou moins normale, puisque pas grand monde IRL était au courant. J’ai conservé mes activités extérieures comme mes cours de dessin le soir, mes activités de bénévole (et ce voyage à Istanbul !).
Je me dis qu’avec un peu plus d’organisation et de volonté, j’aurais pu vivre le challenge un peu moins dans la douleur…

Au final, j’ai dépassé les 50 000 mots avec 2 jours d’avance sur la deadline. Mon histoire en revanche n’était pas encore terminée, il me manquait à vue de nez entre 10 000 et 20 000 mots pour boucler complètement l’intrigue.

Vainqueur du Nanowrimo 2015

Terminer le NaNoWrimo : mission accomplie !

Avec le recul, pouvoir dire “j’ai écrit un roman en 30 jours” titille un peu la fierté. A vrai dire, écrire un roman tout court se trouvait sur ma bucket-list des 30 ans, j’étais d’autant plus satisfaite d’avancer pas à pas vers mes objectifs personnels.

En général, j’ai un peu tendance à m’éparpiller. C’est peut-être l’inconvénient de la curiosité. J’aime tester de nouvelles choses et expérimenter des trucs mais la plupart du temps, je papillonne d’un projet à un autre, selon mon humeur et mes envies du moment.

Là, j’avais le sentiment d’avoir produit et terminer quelque chose. Et ce sentiment était grisant. C’était la preuve que des choses qui semblent a-priori inaccessibles sont tout à fait de l’ordre du possible. I can do it ! et mine de rien, ça donne un coup de fouet à la confiance en soi !

Que va devenir mon texte ?

Concrètement et pour répondre à la curiosité de tous ceux qui aimeraient lire ce que j’ai écrit durant ce mois de novembre, il s’agit donc d’un premier jet, la partie la plus facile a priori dans l’écriture d’un roman.
Mon texte n’est actuellement pas montrable, il n’est absolument pas finalisé, bourré de fautes et d’incohérences.

Pour l’heure, je ne l’ai même pas encore relu. L’histoire dort dans un tiroir, je la relirai en début d’année 2016, et si l’histoire et mes personnages me plaisent toujours autant, je commencerai une phase de relecture, de corrections, d’appels à bêta-lecteurs, et ainsi de suite…

Update 2022 : le texte de ce Nano 2015, c’est le premier jet de De la Naissance des Monstres, et mon moi de l’époque ne se doute absolument pas du nombre de réécritures et de corrections qui l’attend !

La vie après le Nanowrimo, c’est comment ?

Malgré la difficulté du challenge, je me suis rendue compte que le cadre du Nano de “devoir écrire 3 pages par jour” était pourtant hyper stimulant.

Deux semaines après la fin du challenge, le rythme d’écriture du Nano et le soutien de la communauté me manquaient déjà cruellement.
Il s’avère que seule, c’est plus difficile pour moi de me motiver pour écrire quoique ce soit de façon régulière…

Depuis cette première expérience, j’ai réitéré l’expérience, et chaque année j’essaie de participer au NaNoWriMo. Pas forcément en visant les 50 000 mots à chaque fois, parfois en NanoRebelle quand j’en profite pour avancer un projet déjà en cours, mais l’émulation collective de la communauté des auteurices est toujours un coup de boost bienvenu !

Finalement, participer au NaNoWriMo m’a permis de tester mes limites et connaître mes capacités. De cette expérience un peu folle, j’en ai tiré une grosse dose de satisfaction personnelle et une confiance toute nouvelle dans le champ des possibles. Sans le savoir à l’époque, ça a été le premier pas sur le chemin de l’écriture et de l’édition de De la Naissance des Monstres.

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Qui suis-je ?

Ellayne · Raconteuse d’histoires · Aime les fins douces amères et les persos attachiants · Baroudeuse curieuse · Pouffsouffle 

Mon dernier roman